Blog,  Falaises

Les gorges du Todra

Dimanche 9 novembre, Didier, Serge, Pascal et Bernadette me retrouvent à l’hôtel Kasbah Amazir situé au nord de Tinghir (Maroc) et tout proche des gorges du Todra. Le matin même ils étaient à Marseille où ils ont pris un vol très matinal pour Ouarzazate puis effectué un trajet de trois heures de taxi pour rejoindre l’hôtel. Je suis super content de les retrouver, car je sais que nous allons bien nous amuser, autant pour la grimpe que pour les blagues de Serge et Didier. Je les vois déjà tout émerveillés par le paysage, pourtant ils n’ont encore rien vu. Après une installation rapide dans les chambres, je propose une petite balade dans la palmeraie pour nous mettre dans l’ambiance et visiter les ruines de l’ancienne ville. Puis, au retour, nous prenons un thé à la menthe à l’hôtel, ce qui leur donne l’occasion de commencer à connaître le personnel de l’hôtel. Omar (le grand chef), Hakim (l’organisateur), Mohamed (le cuisinier), et Ahmed pour ne citer qu’eux, ils tous sont vraiment aux petits soins avec leurs clients.

Lundi 10 novembre, Hakim nous conduit jusqu’aux gorges où nous retrouvons Madjoub, un guide de randonnée local. Il va emmener Bernadette marcher autour de la paroi du levant pendant que nous grimpons. Serge, Didier, Pascal et moi commençons par une petite promenade dans la partie principale des gorges afin de s’imprégner de son ambiance. J’en profite pour présenter les voies potentielles de la semaine. Il y a beaucoup de touristes, à pied, en moto, voiture, bus. Cette année le Maroc a déjà vu la visite de plus de 16 millions de touristes (record de fréquentation) et se hisse au treizième rang des pays les plus visités au monde en 2025. Je suis bien content pour les Marocains, car ils sont très attachants et accueillants, et ce record est bien mérité.

Pour notre première voie, je propose « Ayour du Todra », une voie en quatre longueurs (5c+ max) située au milieu des gorges. Pascal part en tête de la première cordée avec moi, Serge et Didier grimpent en réversible derrière nous. Le hasard fait que Didier grimpe le 5c+ en tête (en fait je me suis trompé dans l’ordre des longueurs en organisant leur cordée, car je voulais lui éviter cette difficulté d’entrée de jeu), et il passe sans difficulté la petite traversée qui constitue le crux de cette longueur. Bravo ! Rapidement, nous atteignons le sommet de notre petit pilier où nous pique-niquons. Il est encore tôt, et je propose de grimper une autre voie sur l’aiguille du Gué (deux longueurs en 5c+). Après deux grands rappels gérés par Serge, nous retraversons la rivière pour rejoindre la route. Les touristes nous questionnent sur ce que nous avons grimpé et nous félicitent.

Nous traversons à nouveau la rivière, mais cette fois il n’y a pas assez de rochers hors d’eau pour traverser au sec. Des fois, il faut se mouiller ! Nous changeons l’ordre des cordées, je pars en tête avec Didier, Pascal et Serge grimpent en réversible derrière nous. De l’autre côté, sur la route des gorges, nous avons un car de paparazzis qui nous prend en photos. Pas de doute, nous serons ce soir sur Facebook, Insta, Tik-Tok, ou autres réseaux sociaux. Dès la première longueur, Didier commence à souffrir des mains. Le rocher est tellement abrasif que nous avons vite de petites écorchures au bout des doigts, et aux genoux pour les grimpeurs les plus techniques (😉). La deuxième longueur de la voie est plus soutenue. Un pas bloc au milieu oblige à forcer un peu et le final dans un mur déversant tire bien sur les bras. Nous atteignons le sommet de l’aiguille vers 17h30 d’où nous descendons en un rappel de l’autre côté. De retour à l’hôtel et après une bonne douche, nous soignons les petits bobos sur les mains avec la crème Ialuset, parfaite pour cicatriser les petites coupures et stimuler la régénération de la peau. Serge en fera notre mantra de la semaine en criant fort ce mot pour motiver les troupes.    

Lors du repas du soir, Bernadette nous raconte sa journée. Elle est enchantée. Outre la belle randonnée de plusieurs heures, Madjoub l’a emmené voir les nomades, ce qui lui a permis d’avoir un échange privilégié avec ces gens qui vivent presque en autarcie grâce à l’élevage de chèvres. Elle est motivée pour une nouvelle sortie dans la semaine.

Mardi 11 novembre, pas de jour férié pour les grimpeurs, je propose de gravir une grande classique de la paroi du levant « Hannah chez les grands » afin de profiter de la relative fraîcheur de l’équipe pour faire une belle grande voie (320 mètres en 9 longueurs 6a max). Mais avant de partir, il faut faire le choix du menu du soir : tajine de poulet citron, tajine de légumes avec kefta, brochettes, couscous, etc. C’est un peu le même dilemme chaque matin, car Mohamed est un très bon cuisinier, et en plus, il ne plaisante pas sur les quantités. Pour le reste, il est autant blagueur qu’Omar et Hakim avec qui nous avons des bonnes parties de rigolade chaque soir.

Comme chaque matin, Hakim nous conduit jusqu’aux gorges. Après une traversée périlleuse de la rivière (bravo à Serge qui a fait plouf !), nous rejoignons le départ de la voie. Nous sommes les premiers. Je commence en tête avec Didier, Serge et Pascal nous suivent. Les deux premières longueurs sont les plus soutenues (6a et 5c+), je les enchaîne d’un coup pour éviter un relais inconfortable. C’est une belle bagarre pour Didier et Serge. Serge doit gérer un mauvais tirage, alors qu’il est en tête… Puis la paroi se couche et les longueurs sont moins continues, mais toujours dans le 5b/c. Je vois que Didier commence déjà à éviter de trop tirer sur les doigts afin d’économiser « sa peau ». Avant d’attaquer l’antépénultième longueur qui présente une section plus dure, nous faisons une pause sandwich en profitant de la vue sur la palmeraie. Je grimpe cette longueur en laissant quelques petits aménagements pour Pascal qui finalement passe sans aide. La fatigue commence à se faire sentir sur l’avant-dernière longueur. Didier m’a rejoint et je me prépare à terminer la voie, quand j’aperçois Serge chuter en dessous. Il vient d’arracher un gros bloc et est retombé sur le dos. Heureusement, il n’a rien de grave, mais sa main droite est pleine de vilaines écorchures. Il finit tout de même sa longueur et nous improvisons un cabinet médical de fortune au relais. Heureusement que Serge avait également sa pharmacie de secours, car je n’avais pas assez de pansements pour toutes ses blessures. Après ce petit moment de frayeur, nous terminons la voie. Pour la descente, je décide de faire le retour à pied plutôt que la descente par le canyon que j’ai ouvert en 2023. C’est un peu plus long, mais je vois que le groupe est fatigué et je ne sais pas quel impact psychologique a pu avoir l’incident de Serge sur Pascal et Didier. En marchant, personne ne risque de faire une erreur tragique dans un rappel… Et puis, cela nous donne l’occasion de découvrir une autre partie des gorges.

Le soir, nous fêtons cette belle ascension autour d’un apéro discret dans notre chambre, agrémenté de petites olives et cacahuètes fournies gracieusement par Mohamed, et bien sûr, rituel du soir : Ialuset pour tout le monde !

Mercredi 12 novembre, cela fait 10 jours que je suis au Todra. J’avais déjà un groupe la semaine précédente et je pense que j’ai déjà pris deux kilos. Il faut dire que tous les matins nous avons des msemens (crêpes marocaines) avec au choix confiture, miel, ou du amlou (pâte à tartiner marocaine à base d’amandes grillées, de miel et d’huile d’argan). Et évidemment quand notre serveur Ahmed nous en propose d’autres, il est difficile de résister… Aujourd’hui, nous allons grimper une voie tranquille « Tik sab », quatre longueurs en 5b vraiment splendides. Serge prend la tête de la première cordée avec moi, Didier et Pascal sont derrière. A la troisième longueur, nous croisons un couple de jeunes belges qui descendent en rappel et je fais l’erreur de me mêler de leur histoire sans savoir qu’ils ont une corde trop courte pour continuer leur descente par une autre ligne de rappels. Je me sens obligé d’aller les aider et je laisse Serge, Pascal et Didier terminer la voie sans moi. En fait, j’ai plus confiance en eux que les deux jeunes que je suspecte d’aller inventer une manip foireuse pour se dépatouiller, alors que l’un d’eux est en bout corde sans avoir atteint le relais suivant. Je garde toutefois le contact avec mon groupe par radio, mais visiblement mes conseils sont inutiles, ils se débrouillent très bien sans moi (☹). Puis, nous finissons la journée par quelques longueurs de couenne.

Lors de notre rituel du soir (apéro et Ialuset), Bernadette nous raconte sa journée : neuf heures de marche pour atteindre un des sommets des environs avec toujours autant de découvertes (faune et flore) grâce à Madjoub. Au repas, nous avons un magnifique couscous qui nécessite un peu d’effort pour terminer tous les plats…

Jeudi 13 novembre, c’est une journée de repos. Nous faisons une petite session de couenne au secteur « jardin d’été » lors de laquelle nous motivons Bernadette à grimper et où nous révisons différentes manips (gestion d’une corde trop courte, réchappe, et remontée sur corde). Puis nous retournons à l’hôtel pour rejoindre Madjoub qui va nous conduire à travers la palmeraie jusqu’à Tinghir (13km de marche) en passant par les ruines de l’ancienne cité et une mosquée traditionnelle en réfection. Ses explications techniques sur le processus de fabrication des maisons en terre sont très instructives.

Vendredi 14 novembre, puisque les mains sont un peu reposées, nous partons dans une autre grande voie « Berbertraum » (14 longueurs en 5c max) sur la paroi du levant. Au départ de la voie, une cordée est devant nous, ce qui me chagrine un peu, car la voie est longue et ils ne sont pas très rapides. Quand vient notre tour, je pars en tête avec Didier, suivi de Pascal et Serge. La première longueur en 5c est assez soutenue, mais bien protégée. A la cinquième longueur, nous atteignons un replat où la voie devient nettement moins raide. La cordée devant nous sort par l’échappatoire pendant que nous poursuivons. Je crains tellement d’être juste dans les temps pour finir la voie que je presse notre groupe pour engloutir leur sandwich et « mettre du rythme » dans la grimpe. Cette petite remarque me vaudra quelques moqueries lors du repas du soir. La deuxième partie de la voie est plutôt dans un style alpin. Les longueurs sont courtes avec des sections plus soutenues. Le dernier 5c est un magnifique dièdre suivi d’une grimpe dans un mur vertical. Puis après une traversée, nous atteignons un promontoire qui constitue la fin de la voie. Didier est aux anges, c’est le genre de fin de voie qu’il a toujours espérée. Quand Serge et Pascal nous rejoignent, nous faisons belle séance photo. Bravo à tous, car nous avons vraiment bien avancé, et il ne nous reste plus qu’une petite heure de descente par un sentier pour rejoindre le départ de la voie.  

Samedi 15 novembre, nous terminons cette belle semaine de grimpe par une petite voie de quatre longueurs « Pour trouver » en 5b max afin de profiter une dernière fois de ces magnifiques gorges. L’après-midi nous descendons à Tinghir pour faire quelques emplettes dans le souk et il nous faut préparer les bagages pour le retour.

Voici donc une belle semaine qui se termine avec plein de beaux souvenirs et des marques sensibles sur les doigts qui s’estomperont dans quelques jours…

5 commentaires

Répondre à Sandra Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.